La présence du castor d’Eurasie (Castor fiber) dans les Mauges est consécutive à la reconquête du bassin de la Loire par l’espèce suite à des opérations de réintroduction s’étant tenues entre 1974 et 1976 dans le Loir-et-Cher. On le retrouve aujourd’hui tout le long de l’Èvre ainsi que dans une bonne partie de ses affluents !
Le castor reprend ainsi petit à petit ses marques sur un territoire qu’il avait toujours connu… D’ailleurs, le Beuvron (affluent de l’Èvre) tient son nom de bebros, signifiant castor en gaulois !
Castor d’Eurasie – source Fritz Geller-Grimm
Une espèce convoitée
Autrefois nombreux, les castors ont subi une pression importante de la part de l’Homme depuis l’Antiquité, qui les chassait pour leur fourrure d’excellente qualité, leur viande savoureuse, leurs dents utilisées comme amulette… Mais aussi pour leur castoréum ! Cette substance très odorante est sécrétée par le castor pour marquer son territoire. Chargée en acide salicylique, le castoréum possède des propriétés proches de l’aspirine, et est encore utilisé de nos jours en tant que fixateur de parfum !
Suscitant tant de convoitise, le castor a développé une stratégie d’évitement simple mais efficace pour améliorer ses chances de survie : adopter un mode de vie nocturne. Il passe environ les 2/3 de sa nuit dans le milieu aquatique (déplacement, consommation de végétaux) et 1/3 de celle-ci sur le sol (recherche de nourriture, abattage d’arbustes, toilettage, marquage du territoire), avant de retourner dans son terrier…
Le castor est aujourd’hui davantage menacé par la reconfiguration récente des berges, bétonnisées ou enrochées, et par l’entretien drastique des ripisylves, que par la chasse. Celle-ci persiste malgré tout sous une forme de braconnage illégal, ou par des accidents de piégeages ciblant le ragondin.
Un architecte d’intérieur
Pouvant être une simple niche, le gîte du castor, creusé dans la berge et dont l’entrée est presque toujours inondée, peut également être un véritable palace constitué d’une multitude de couloirs et d’une magnifique chambre dont l’aération est garantie par une ouverture verticale donnant sur l’extérieur.
Mieux encore : lorsque le plafond du gîte s’effondre, le castor est capable de réparer les dégâts en bâtissant un toit de branches, transformant ainsi le terrier en un terrier-hutte !
Terrier-hutte©PascalBellion
Un régime végétarien
Avec ses 20 à 25 kilos en moyenne, le castor d’Eurasie est le plus gros rongeur d’Europe. Son régime alimentaire n’en est pas moins exclusivement végétarien, mais très varié (écorce, jeunes pousses ligneuses, feuilles, végétation herbacée, hydrophytes et leur rhizome, fruits…).
S’agissant des arbres, il va plutôt préférer les essences dîtes de « bois tendre » (au premier rang desquels les saules et les peupliers) dont il affectionne les branches de petit diamètre (2 à 8 cm).
Ses préférences vont vers les arbustes, même s’il arrive que le castor s’attaque à des arbres de plus gros diamètre !
Castor ou Ragondin ?
La confusion est souvent faite entre le castor et le ragondin, d’autant plus que le premier fait souvent son retour dans des rivières où le second est présent !
Le critère le plus fiable pour distinguer ces deux espèces est leur queue : courte et plate chez le castor, longue et ronde chez le ragondin. Mais pas facile d’y voir clair lorsque le rongeur est en train de nager…
Un ingénieur écologique d’envergure
Historiquement, le castor était massivement présent sur l’ensemble du territoire que l’on nomme aujourd’hui la France.
Durant le paléolithique (c’est-à-dire avant la sédentarisation de l’Homme) ils étaient si nombreux qu’ils ont contribué à façonner le paysage par des modifications que l’on attribuait autrefois à Homo sapiens… Leurs barrages ont par exemple hautement concouru à retenir les sédiments qui ont rendu les sols des Mauges (et d’ailleurs) si fertiles. On estime que c’est également le castor qui a sélectionné les arbres de nos ripisylves pour que ceux-ci soient aptes à recéper (saules, frênes, peupliers…) ! C’est par ailleurs lui qui, pendant des milliers d’années, a contribué à maintenir ouvertes des prairies sur lesquelles a pu se développer une flore riche et variée qui requiert de la lumière pour s’épanouir !
De nos jours, on trouve surtout des traces de son activité au niveau des cours d’eau de petit calibre, dont il s’éloigne très peu (30 mètres maximum) et sur lesquels il peut construire une succession de petits barrages. L’animal n’a cependant pratiquement plus jamais la possibilité de contempler ses œuvres bien longtemps, car celles-ci sont vite détruites par l’Homme dès lors qu’elles provoquent des débordements de rivières.
À rebours de l’idée selon laquelle un cours d’eau en bon état ne doit présenter aucun obstacle qui viendrait entraver l’écoulement de l’eau, le castor démontre, dans les endroits où il peut laisser libre cours à son activité de bâtisseur (dans les pays baltiques par exemple), qu’il peut contribuer à améliorer considérablement les rivières pour la faune (y compris pour les Salmonidés qui ont besoin de remonter la rivière en période de reproduction), la flore, et la recharge des nappes, en conférant à la rivière une dynamique complexe et discontinue dont seule la nature a le secret…